Pourquoi Imagine est en difficulté financière ?

Imagine est en danger. On vous explique pourquoi.


Anna Wanda Gogusey

A travers son histoire, l’Asbl Imagine a tenu le cap financier en s’appuyant sur plusieurs axes : un modèle économique mixte (+/- 65 % de recettes propres, 35 % d’aides publiques), un lectorat historique et fidèle (+/- 80 % par abonnement) et une structure de coûts relativement légère. Les bénéfices accumulés durant les bonnes années ont permis de compenser les différents déficits enregistrés durant les moins bonnes.
Une Asbl contrainte de composer néanmoins avec les aléas d’un secteur qui s’est fragilisé au fil du temps, en particulier depuis la pandémie du Covid-19 : des aides publiques fluctuantes, un marché publicitaire tendu, une hausse progressive des coûts de production (indexations successives, frais d’envoi bpost, impression…) et, bien sûr, une diffusion payante (ventes et abonnements) en diminution.

En 2019, après avoir repositionné le média sur le plan éditorial au terme d’un large processus participatif (#Imagine2020), élaboré un plan stratégique, redéfini sa vision, ses missions et ses valeurs, l’équipe a décidé de transformer l’Asbl en coopérative à finalité sociale avec plusieurs objectifs à la clé : pérenniser le projet éditorial et économique, renforcer l’emploi, professionnaliser l’entreprise (outils de gestion, gouvernance…) et fédérer une « communauté Imagine ».

Cette transformation en coopérative a permis, au terme d’une levée de fonds, de recapitaliser l’entreprise à hauteur de 304 900 €, avec la participation de W.ALTER, le partenaire financier des projets d’économie sociale et coopératif en Wallonie. Et de développer l’activité de la coopérative autour de trois axes : la transformation digitale du média Imagine (nouvelle plateforme web et des productions numériques), la réforme du magazine (passage en trimestriel) et l’investissement dans les ressources humaines (engagement d’une nouvelle directrice, renforcement de l’emploi existant, recrutement de community managers freelances et de nouveaux collaborateur·rices). Avec, et c’est l’originalité de cette transformation en coopérative, la diversification de nos activités et de nos recettes via l’agence de services Imagine COOP qui propose de l’animation de débats, de la production de contenus à la carte, de la visibilité publicitaire et des partenariats commerciaux…

Chute de la diffusion payante

Ces deux dernières années, Imagine n’a pas échappé à la chute de la diffusion payante qui frappe l’ensemble de la presse belge. Fin 2020, notre média enregistrait plus de 4 100 abonnés. Quatre ans plus tard, il en compte 2 500. Avec une diminution progressive, mais particulièrement marquée en 2024.
En parallèle à cette baisse de rentrées, Imagine n’a pas pu mobiliser son bas de laine placé chez TRIODOS (valorisé à hauteur de 95 000 € en 2022 et seulement à 31 866 € en 2024). Cet argent devait financer le redéploiement de notre média. À défaut, Imagine a rejoint l’action collective en justice se joignant aux dizaines de milliers d’actionnaires, qui s’estiment lésés.

Ainsi, après un bilan 2022 en léger boni, notre entreprise enregistre deux années largement déficitaires, en cumulé pour 2023 et 2024, cela représentera plus de 250 000 €. Concrètement, sans le soutien de la communauté Imagine et la capitalisation intervenue autour de la transformation (304 900 €), Imagine n’aurait pas tenu le cap. Et ce malgré des nouvelles recettes autour de l’agence de services, autour de 126 000 € sur deux ans.

Aujourd’hui, la situation financière d’Imagine est critique. Et 2025 est une année charnière. Avec des objectifs financiers ambitieux pour redresser la barre et permettre à notre média de « rester debout ». —


Un plan de relance 2025 et une campagne « Rester debout »

Pour assurer la survie d’Imagine, un plan de relance 2025 a été élaboré avec le soutien et l’expertise de nos partenaires institutionnels (CNCD-11.11.11 et W.ALTER). Plusieurs objectifs financiers ont été fixés : engranger à minima 1 800 nouveaux abonnés d’ici la fin de l’année, maîtriser les coûts de production et de fonctionnement de la coopérative (salaires, impression…), poursuivre la diversification des activités de la coopérative et ses recettes (agence de services, publicité éthique et durable…) et organiser, d’ici la fin, une recapitalisation de notre coopérative, 75 000 € fin de l’année. « L’enjeu, c’est vraiment d’assurer des rentrées régulières au média sous la forme d’abonnement. Plus encore qu’une part dans la coopérative, Imagine COOP invite sa communauté à s’abonner, à offrir et faire vivre le média Imagine partout où une information nuancée et inspirante a du sens. C’est le seul moyen de passer dans le chat de l’aiguille et d’assurer un horizon à Imagine… », explique Sarah Jonet, directrice d’Imagine COOP.

Soutenu par le conseil d’administration, ce plan a été soumis au vote de l’assemblée générale (favorable à 98 %) qui s’est tenue le 26 mars. Il s’appuie sur une grande campagne « Rester debout » qui démarre avec ce numéro spécial, la mise en valeur du patrimoine journalistique du magazine via notre site web, des newsletters régulières, le soutien d’ambassadeur·rices.

En parallèle, l’équipe a l’intention de lancer une réflexion éditoriale pour redéployer Imagine, avec l’apport de spécialistes (économie des médias, web, transmédia…), en conservant bien évidemment sa ligne, ses valeurs et sa conception du journalisme constructif, mais en explorant des formats davantage en phase avec les nouvelles habitudes de consommation de l’information. — Un dossier de la rédaction

À découvrir aussi