Edito : « Sans ambitions politiques pas d’ambitions climatiques »

Dix ans après la COP de Paris et son accord, les politiques sont largement insuffisantes.


Julie Graux

« Les émissions de gaz à effet de serre toujours en hausse, limiter le réchauffement planétaire sous 1,5°C n’est désormais plus atteignable. » Dix ans après l’imparfait mais historique Accord de Paris, à la veille d’un nouvel été anormalement caniculaire, c’était l’implacable conclusion d’une étude menée par une équipe internationale de soixante-et-un scientifiques qui actualise chaque année les indicateurs-clés du dérèglement climatique. Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue et membre du Haut Conseil pour le climat en France y rappelait que « la suite dépend des choix qui vont être faits : nous pouvons, en réduisant fortement les émissions de gaz à effet de serre, limiter l’ampleur du réchauffement à venir et protéger les jeunes générations de l’intensification des évènements extrêmes. »

Nos pays industrialisés semblent incapables d’amorcer cette réduction drastique. En attestent l’absence du sujet de la sortie des énergies fossiles dans l’agenda de la COP30, qui se tiendra fin d’année aux portes de l’Amazonie, à Belém (Brésil) ; l’incapacité des vingt-sept Etats membres de l’UE à s’accorder sur un engagement chiffré de réduction de leurs émissions à l’horizon 2035 ; les déclarations de certains dirigeants affirmant sans sourciller que la transition va « trop vite, trop loin » ou appelant à une mise sous cloche des normes environnementales.

Cette hostilité manifeste de nos responsables politiques vis-à-vis des mesures écologiques ne repose sur aucun élément tangible : les enjeux environnementaux figurent systématiquement dans le peloton de tête des préoccupations citoyennes dans les enquêtes internationales, comme les Eurobaromètres. A titre d’exemple, d’après une récente et très vaste étude des Nations Unies pour le développement, 89 % de la population mondiale souhaite une action climatique plus forte de leur gouvernement, 72 % est pour une rapide sortie des énergies fossiles.

Ces citoyen·nes du monde entier le rappellent en filigrane : les ambitions climatiques collectivement fixées à la COP21 dépendent des ambitions politiques. Or, ces dernières ne sont toujours pas à la hauteur de l’enjeu. Trente ans après la première conférence climat des Nations Unies, nos Etats subventionnent encore largement les énergies fossiles, tout comme les banques. Et le principe du pollueur-payeur ne s’applique pas encore aux entreprises responsables de la crise climatique.

En miroir de cette absence, l’économie sociale se développe, la société civile belge tente de remobiliser autour des enjeux climatiques, les scientifiques alertent, les journalistes documentent les catastrophes et font état des solutions pour rendre le monde plus durable, la justice environnementale fait avancer la jurisprudence. Quant aux citoyen·nes, elles et ils s’affranchissent à leur échelle, quand et si c’est possible, de cette dépendance aux énergies fossiles qui dominent nos manières de produire et de consommer.
Dans ce contexte, ne pas baisser l es bras peut paraître comme un défi quotidien. Nous devons toutefois garder à l’esprit que chaque dixième de degré économisé compte, qu’un monde à 1,6 degré est plus hospitalier qu’un monde à deux degrés. Et continuer de faire pression sur nos politiques pour une action climatique immédiate et ambitieuse pour protéger le vivant dans son ensemble. L’habitabilité de notre planète et la survie de notre humanité sont en jeu. –

– Sarah Freres et Laure de Hesselle,
co-rédactrices en cheffe

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